Romain Gizolme, directeur de l’AD-PA. ©DR
Que retenez-vous de la gestion de l’épidémie de Covid-19 ?
Romain Gizolme : Comme toutes les périodes de crise, celle-ci a mis en lumière à la fois ce qu’il y a de meilleur dans le secteur, en particulier l’engagement des professionnels, et ce qu’il y a de moins bon, que ce soit les retards français dans la mise à disposition d’équipements de protection ou l’hypersécurisation et sanitarisation des établissements. Et si certaines Agences Régionales de Santé (ARS) se sont montrées très présentes, d’autres pouvoirs publics ont brillé par leur absence. Mais dans l’ensemble, force est que constater que l’État, sans pour autant adopter toutes nos préconisations, a été à l’écoute des professionnels et du terrain.
Et du point de vue des directeurs ? Quels constats, et éventuellement quelles leçons, pour l’avenir ?
Romain Gizolme : Les directrices et directeurs ont dû faire face à une situation de gestion de l’urgence extrêmement compliquée et porteuse d’énormes inquiétudes. Ils ont également eu à jongler avec une multitude de recommandations, tout en étant seuls à devoir trancher entre ce qui relève de la nécessité, de l’éthique, ou encore de la difficulté organisationnelle. A posteriori, il pourrait être temps de s’interroger sur la question du management. Il y a certainement des approches beaucoup plus participatives à inventer ou à ancrer dans le quotidien. À la fois pour laisser plus de marge de manœuvre aux professionnels, qui par définition connaissent leur profession, mais aussi pour soulager des directeurs et directrices au bord de l’épuisement. Ce serait également une bonne manière de redonner de l’attrait à notre secteur.
Parmi les constats d’échec que vous évoquiez plus haut, il y a l’hypersécurisation et sanitarisation des EHPAD. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Romain Gizolme : Sous prétexte de leur sécurité et malgré nos mises en garde, les personnes âgées vivant en EHPAD ont été confinées avant la population générale et elles ont continué à l’être après le début du déconfinement, avec tous les effets que cela peut induire sur leur bien-être psychologique. On perçoit ici la limite de politiques vieillesse construites autour des notions de sécurité et de protection. Il faut arrêter de considérer les résidents comme des malades. Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils n’attendent pas de nous que nous les surprotégions. Ce sont des personnes avec des fragilités, qui voudraient simplement continuer à exercer leur citoyenneté comme tout autre Français.
L’AD-PA milite effectivement depuis plusieurs années pour cette prise en compte de la citoyenneté des personnes âgées. C’est d’ailleurs, selon vous, sur quoi doivent porter les débats actuels sur l’avenir du secteur.
Romain Gizolme : Oui, ce doit être le socle de toute réflexion. Ce qui débouchera du Ségur de la santé et de la Loi Grand âge ne pourra réellement fonctionner, que si l’on s’appuie sur cette vision citoyenne des personnes âgées. Depuis 15-20 ans, les politiques vieillesse ont permis une amélioration de la qualité de services dans les établissements, mais elles n’ont misé que sur une réponse aux premiers soins et encore, insuffisamment. Or ce qu’attendent les gens de nous, c’est également une réponse à leurs attentes. Il faut passer de politiques de vieillesse à des politiques de l’autonomie nous permettant de les aider à exercer leurs droits et à continuer de s’épanouir. L’annonce de la création d’une 5ème branche de la Sécurité Sociale va plutôt dans le bon sens.
Cela induit également une transformation du modèle de l’EHPAD…
Romain Gizolme : Tout à fait. Il faut là aussi changer de logique, sortir d’une conception hospicielle pour aller vers de l’habitat à proprement parler, en écoutant les demandes des principaux intéressés. Depuis plusieurs années, on voit se développer des formes d’habitats dits alternatifs d’initiative commerciale ou associative : résidences services, résidences intergénérationnelles, les « babayagas » à Montreuil, etc. Et l’on constate qu’actuellement ce type de structures est le plus plébiscité. Il faut donc permettre aux EHPAD de se transformer en ce sens, même si cela ne concernera pas nécessairement tous les établissements. Il s’agit en réalité de pouvoir proposer une offre diversifiée qui donne à chacun la possibilité de s’y retrouver en fonction de ses attentes. Et pour cela, il convient de faire confiance aux gestionnaires d’EHPAD ; l’AD-PA propose ainsi que soit ouvert un « droit d’option ». Ils sont les plus à même d’évaluer l’intérêt d’une telle approche selon la demande et la réalité du territoire.
Et concernant l’accompagnement à proprement parler ? Qu’attendez-vous des concertations en cours ?
Romain Gizolme : Quel que soit le type d’habitat, il faut améliorer l’accompagnement, l’individualiser dans une logique de compensation des fragilités, comme cela peut être fait dans le champ du handicap. Il faut surtout arrêter de penser des parcours prédéfinis et commencer à construire des réponses qui s’adaptent au fur et à mesure de l’évolution des fragilités des personnes, que ce soit au domicile ou au sein d’habitats regroupés. C’est à la structure d’adapter ses services en fonction de l’évolution de la situation des personnes et non l’inverse. L’avenir de l’aide à l’autonomie reposera certainement sur le modèle des contrats de service. Les résidents pourraient ainsi bénéficier de contrats de services adaptés à leur situation en temps réel. Et pour cela, il faudra développer de nouveaux métiers, des métiers de l’autonomie, de l’animation, de la vie sociale, etc.
Comment engager cette transformation ?
Romain Gizolme : D’ici la fin de l’année, et avant même la présentation de la loi, il convient d’initier l’augmentation et la diversification du temps professionnel. Pour cela, nous souhaitons que 5 à 6 % des 100 milliards d’euros du plan de relance annoncé par Bruno Lemaire soient dévolus à la création d’emplois dans le secteur de l’aide aux personnes âgées. Recruter aujourd’hui, c’est engager la nécessaire diversification des métiers à venir, tout en répondant à l’urgence en renforçant les équipes en vue de la période estivale potentiellement caniculaire, et en luttant contre le chômage par la création d’emplois non délocalisables.
Article publié sur le numéro de juillet d'Ehpadia à consulter ici.
Romain Gizolme : Comme toutes les périodes de crise, celle-ci a mis en lumière à la fois ce qu’il y a de meilleur dans le secteur, en particulier l’engagement des professionnels, et ce qu’il y a de moins bon, que ce soit les retards français dans la mise à disposition d’équipements de protection ou l’hypersécurisation et sanitarisation des établissements. Et si certaines Agences Régionales de Santé (ARS) se sont montrées très présentes, d’autres pouvoirs publics ont brillé par leur absence. Mais dans l’ensemble, force est que constater que l’État, sans pour autant adopter toutes nos préconisations, a été à l’écoute des professionnels et du terrain.
Et du point de vue des directeurs ? Quels constats, et éventuellement quelles leçons, pour l’avenir ?
Romain Gizolme : Les directrices et directeurs ont dû faire face à une situation de gestion de l’urgence extrêmement compliquée et porteuse d’énormes inquiétudes. Ils ont également eu à jongler avec une multitude de recommandations, tout en étant seuls à devoir trancher entre ce qui relève de la nécessité, de l’éthique, ou encore de la difficulté organisationnelle. A posteriori, il pourrait être temps de s’interroger sur la question du management. Il y a certainement des approches beaucoup plus participatives à inventer ou à ancrer dans le quotidien. À la fois pour laisser plus de marge de manœuvre aux professionnels, qui par définition connaissent leur profession, mais aussi pour soulager des directeurs et directrices au bord de l’épuisement. Ce serait également une bonne manière de redonner de l’attrait à notre secteur.
Parmi les constats d’échec que vous évoquiez plus haut, il y a l’hypersécurisation et sanitarisation des EHPAD. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Romain Gizolme : Sous prétexte de leur sécurité et malgré nos mises en garde, les personnes âgées vivant en EHPAD ont été confinées avant la population générale et elles ont continué à l’être après le début du déconfinement, avec tous les effets que cela peut induire sur leur bien-être psychologique. On perçoit ici la limite de politiques vieillesse construites autour des notions de sécurité et de protection. Il faut arrêter de considérer les résidents comme des malades. Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils n’attendent pas de nous que nous les surprotégions. Ce sont des personnes avec des fragilités, qui voudraient simplement continuer à exercer leur citoyenneté comme tout autre Français.
L’AD-PA milite effectivement depuis plusieurs années pour cette prise en compte de la citoyenneté des personnes âgées. C’est d’ailleurs, selon vous, sur quoi doivent porter les débats actuels sur l’avenir du secteur.
Romain Gizolme : Oui, ce doit être le socle de toute réflexion. Ce qui débouchera du Ségur de la santé et de la Loi Grand âge ne pourra réellement fonctionner, que si l’on s’appuie sur cette vision citoyenne des personnes âgées. Depuis 15-20 ans, les politiques vieillesse ont permis une amélioration de la qualité de services dans les établissements, mais elles n’ont misé que sur une réponse aux premiers soins et encore, insuffisamment. Or ce qu’attendent les gens de nous, c’est également une réponse à leurs attentes. Il faut passer de politiques de vieillesse à des politiques de l’autonomie nous permettant de les aider à exercer leurs droits et à continuer de s’épanouir. L’annonce de la création d’une 5ème branche de la Sécurité Sociale va plutôt dans le bon sens.
Cela induit également une transformation du modèle de l’EHPAD…
Romain Gizolme : Tout à fait. Il faut là aussi changer de logique, sortir d’une conception hospicielle pour aller vers de l’habitat à proprement parler, en écoutant les demandes des principaux intéressés. Depuis plusieurs années, on voit se développer des formes d’habitats dits alternatifs d’initiative commerciale ou associative : résidences services, résidences intergénérationnelles, les « babayagas » à Montreuil, etc. Et l’on constate qu’actuellement ce type de structures est le plus plébiscité. Il faut donc permettre aux EHPAD de se transformer en ce sens, même si cela ne concernera pas nécessairement tous les établissements. Il s’agit en réalité de pouvoir proposer une offre diversifiée qui donne à chacun la possibilité de s’y retrouver en fonction de ses attentes. Et pour cela, il convient de faire confiance aux gestionnaires d’EHPAD ; l’AD-PA propose ainsi que soit ouvert un « droit d’option ». Ils sont les plus à même d’évaluer l’intérêt d’une telle approche selon la demande et la réalité du territoire.
Et concernant l’accompagnement à proprement parler ? Qu’attendez-vous des concertations en cours ?
Romain Gizolme : Quel que soit le type d’habitat, il faut améliorer l’accompagnement, l’individualiser dans une logique de compensation des fragilités, comme cela peut être fait dans le champ du handicap. Il faut surtout arrêter de penser des parcours prédéfinis et commencer à construire des réponses qui s’adaptent au fur et à mesure de l’évolution des fragilités des personnes, que ce soit au domicile ou au sein d’habitats regroupés. C’est à la structure d’adapter ses services en fonction de l’évolution de la situation des personnes et non l’inverse. L’avenir de l’aide à l’autonomie reposera certainement sur le modèle des contrats de service. Les résidents pourraient ainsi bénéficier de contrats de services adaptés à leur situation en temps réel. Et pour cela, il faudra développer de nouveaux métiers, des métiers de l’autonomie, de l’animation, de la vie sociale, etc.
Comment engager cette transformation ?
Romain Gizolme : D’ici la fin de l’année, et avant même la présentation de la loi, il convient d’initier l’augmentation et la diversification du temps professionnel. Pour cela, nous souhaitons que 5 à 6 % des 100 milliards d’euros du plan de relance annoncé par Bruno Lemaire soient dévolus à la création d’emplois dans le secteur de l’aide aux personnes âgées. Recruter aujourd’hui, c’est engager la nécessaire diversification des métiers à venir, tout en répondant à l’urgence en renforçant les équipes en vue de la période estivale potentiellement caniculaire, et en luttant contre le chômage par la création d’emplois non délocalisables.
Article publié sur le numéro de juillet d'Ehpadia à consulter ici.